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Mircea Milcovitch receives the French Literary Prize: Prix Contrelittérature 2012

September 10th, 2012 · No Comments · Books, Diaspora, International Media, OPINION, PEOPLE, Reviews

Mircea MILCOVITCH

Mircea Milcovitch receives the French Literary Prize: Prix Contrelittérature 2012

Wikipdia:
Dès sa parution la revue se présente comme « à contre-courant de toutes les idéologies » .

Elle prétend défendre une conception « contre-moderne » de la littérature et rejette le nihilisme « égobiographique » du roman contemporain. Elle se propose d’amorcer « un retour à l’origine ontologique de l’écriture ».

Elle ne se veut pas un mouvement artistique4 mais un état d’esprit à la fois réactif et progressiste. Réactif, parce qu’il repose sur une anthropologie réaliste incluant le spirituel dans l’homme ; et, progressiste, parce qu’il se fonde sur une positivité du temps.

Le concept de « contrelittérature »5 a été exposé par Alain Santacreu dans un manifeste paru en annexe de son roman Les sept fils du derviche 6. C’est autour de ce texte-germinatif qu’a été publié, en 2005, un ouvrage collectif, dirigé par Alain Santacreu, qui développe la notion de « contrelittérature »7. En désignant la « littérature » comme l’infrastructure idéologique de la modernité, l’herméneutique contrelittéraire s’ouvre aux domaines artistique, philosophique, politique et religieux.

On enregistre d’abord une phase pérennialiste suivie, à partir de 2005, sous l’impulsion d’Alain Santacreu, d’une optique se revendiquant de la métaphysique chrétienne. Ces deux périodes constituent la première époque revuiste qui se clôt avec le numéro n° 21 (été 2008). En 2010, l’essai d’Alain Santacreu, Au cœur de la talvera, édité aux éditions Arma Artis8, marque la ligne de passage vers une autre époque éditoriale.

Alain SANTACREU (n. 1950)

Biographie:
Né en 1950 à Toulouse de parents catalans, Alain Santacreu, avant de devenir professeur de lettres, étudie à la Faculté de Toulouse puis se dirige vers la pratique du théâtre au Conservatoire de Toulouse. Acteur et metteur en scène au Théâtre de l’Acte (Artaud/Grotowski) puis au Grenier de Bourgogne et au Théâtre de Bourgogne. Il deviendra ensuite Directeur de Centre culturel de Belfort. En 1999 paraît son premier texte : Les sept fils du Derviche suivi du Manifeste contrelittéraire , éditions Jean Curutchet. En 2000 il créé la revue trimestrielle Contrelittérature. A l’automne 2005, il a dirigé la publication d’un ouvrage collectif aux éditions du Rocher La Contrelittérature : un manifeste pour l’esprit .

Prix Contrelittérature 2012

« Journal d’exil » de Mircea Milcovitch

« Le colonel Lawrence d’Arabie disait par expérience que tout homme qui appartient réellement à deux cultures perdait son âme » : phrase vertigineuse du Démon de l’absolu d’André Malraux, remontée à ma mémoire, telle une épigraphe fulgurante, après avoir lu Journal d’exil de Mircea Milcovitch.
Je ne parlerai pas concernant cet auteur de talent littéraire car il s’agit de bien plus que cela : d’être, de densité humaine, d’âme et de corps, toutes choses ignorées des plates égobiographies d’aujourd’hui. Journal d’exil montre que la grandeur d’un écrivain, autant que sa prédication même, se trouve dans le lieu d’où il écrit. Le lieu de l’écriture est sa vraie profondeur, il est ce « Lieu seul situé » dont parle le poète Oscar Venceslas de Lubicz Milosz dans Ars Magna, lieu de l’exil qui exige le refus du mensonge et seul contient la mélancolie de l’instant : « moi dans le Lieu seul situé j’écris ».
En octobre 1968, Mircea Milcovitch, jeune artiste roumain, met à profit une exposition de peinture officielle à Paris pour choisir l’exil. L’écriture d’un journal est la technique qui se présente au narrateur pour oblitérer son passé, distiller les images de sa conscience, procéder à un bouleversant transvasement alchimique de son âme. À la réalité de son présent, qui est le temps de l’écriture, se superposent des images surgies de sa mémoire. Écrit directement en français, ce Journal va lui permettre de retrouver son lieu d’énonciation perdu. La langue de l’exil devra entièrement s’incorporer en lui pour lui dévoiler sa nouvelle culture.

L’ouvrage se compose de 64 chapitres, comme autant de cases noires et blanches d’un jeu d’échecs. Tissé d’ombre et de lumière, l’échiquier est traditionnellement orienté : chacun de ses côtés correspond à une direction cardinale. Les joueurs se faisant face, les échecs se jouent dans l’axe Est-Ouest. Le jeu reflète donc l’espace de l’exil qui sépare les deux moi du narrateur : celui qu’il a été, à l’Est ; celui qu’il doit devenir, à l’Ouest. L’exil creuse en lui cette distance tragique qui pourrait l’empêcher d’exister. Écrire est un acte décisif pour tenter de mettre en échec la mémoire du double. Il lui faut franchir cet abîme blanchi, comme la page vierge, comme la neige – élément récurrent qui traverse le livre. Ce combat du narrateur avec lui-même est la trame de l’œuvre et s’identifie à une partie d’échecs dont l’enjeu est son âme. Sans doute le motif de l’échiquier est-il à peine suggéré, il n’y a pas vraiment, comme dans le roman de Nabokov La défense Loujine, d’homologie structurale entre le jeu et le processus narratif, mais l’entrecroisement des visions rétrospectives du passé et de l’introspection de la réalité présente rappelle l’alternance du déplacement des pièces par les joueurs.

L’exil entraîne la réclusion physique. Par son ancrage dans le présent de l’énonciation, l’auteur tente de reconstruire le lieu de son corps – ce lieu d’où il écrit. La narration est sans cesse traversée par les figures féminines qui ont jalonné son destin et dont l’étrangeté évoque les héroïnes romanesques nervaliennes, le « filles du feu » : Maria, la femme élue ; la « fillette blonde » ; la jeune actrice Mélusine ; et jusqu’au prénom, Sylvie, de l’étudiante en Philosophie qu’il rencontre à Paris, dès les premiers jours de son exil. Car l’éloignement est aussi celui de la femme aimée, restée en Roumanie. Elle est la véritable destinatrice du Journal dont la lecture lui demeure interdite. Le narrateur parle des lettres où il ne peut écrire ce qu’il voudrait lui dire puisqu’elles seront interceptées par la censure de la Securitate. Écrire ce qui ne peut être lu, jusqu’à cette dernière lettre, à la fin du livre, que l’auteur n’enverra jamais et dont le style épuré retrouve celui de la plus haute littérature amoureuse. L’incorporation par le narrateur de sa langue d’exil se fait au fur et à mesure qu’avance l’écriture du livre. Peu à peu les errances syntaxiques disparaissent, jusqu’à l’ultime et sublime lettre d’amour qui marque la victoire de la dame blanche sur l’échiquier.
Mais, dans une autre partie, les noirs ont joué et gagné. Du nouveau lieu de son exil, le diariste constate l’emprise idéologique qu’exerce le marxisme sur la jeunesse française de l’époque. Son analyse se heurte à l’incompréhension des étudiants « révolutionnaires » qu’il fréquente. Le Journal dénonce la technique de l’esclavage mise en place par le système communiste, la colonisation intérieure des âmes qu’il décrit scrupuleusement, à partir de tableaux de la vie quotidienne où le tragique se teinte parfois de tendresse et d’ironie. Sa réflexion devient prospective quand il compare les deux mondes, de l’Est et de l’Ouest, et s’attache à relever les « germes similaires ».
La publication de Journal d’exil, plus de quarante ans après son écriture, ne peut que susciter l’angoisse du lecteur ; car, c’est notre monde qui, par anticipation, surgit de ce livre. Pourquoi, depuis que le mur de l’Est est tombé, le monde occidental est-il lui-même devenu une prison sans mur ? La disparition du bloc soviétique a permis au communisme de se faire oublier. Il a cessé d’être un enjeu idéologique et stratégique mondial pour devenir un simple objet d’étude historique. Mais la trahison des clercs s’est poursuivie sous de nouvelles formes. L’esprit du matérialisme marxiste imprègne désormais nos sociétés de l’esclavage volontaire où le parti de la bien-pensance noyaute toutes les consciences. La déloyauté et la félonie, la prodition des intellectuels occidentaux, la forfaiture de l’Université presque totalement acquise à la pensée marxiste, sans oublier la prévarication insidieuse de l’Église de Rome [2] ont contribué à l’immonde oubli des crimes communistes. Dans les micro-récits du Journal de Milcovitch, les gens du pays natal n’engendrent pas de nostalgiques souvenirs, ils sont des cris lancés à la face de l’Occident, des appels à notre mémoire vivante.

Alain Santacreu

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